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Biographie

Dan  Dănilă en français:

 

UNE  FLEUR  COMME  REMÈDE

 

Pour celui qui vole la rose

solidaire la nuit avec certaines racines

par les allées les épines éclairées à la lanterne,

amours de lièvres, en choisissant entre

deux péchés le plus honteusement

petit  –  souvenir le livre au signet

de trèfles sèches dans le noir

et ainsi croyant pouvoir s’assurer

le dos  –  c’est à dire la face invisible

du coeur à la très simple équation

de chataîgne explosant la carapace

épineuse sur le trotoir – lavé

à l’improviste par les grêles fondues

et le truc à la fleur réussi

le pardon, le soir qui tombe hésitant.

 

 

AIR

 

Je connais le désavantage de la mémoire;

le livre pour aveugles lu à l’envers

jusqu’a l’effacement des empreintes

 

l’oiseau colibri seule

s’endort en vol,

le souffle volé aux orchidées

le nid sans commencement

l’air que nous allons oublier

tout de même...

 

                            Version française par Mircea Ivãnescu)

 

 

(LA  MORT  DE  MON  CHIEN...)

 

La mort de mon chien

un

éboulement de cubes

sentiment géométrique

imparable

mais moi qu’est-ce que je fais

avec ce désordre

même après une perquisition

je ne me suis pas montré ainsi

 

la silence de l’armoire

les gonds des bras

l’essieu du cou

grinçant

 

 

SOMMEIL

 

Je dors avec un oeil tourné

vers les planetes de ce corps

les paupières se déchirent alors

comme si plus belle ma mort venait

 

mes cheveux sont un toit de fumée

sur un visage sorti du temps

ne m’effraie pas en m’embrassant

ne me donne plus vers moi les clés

 

pourquoi me laisses-tu dormir tant

approche-toi pareille à un chat

rétrécis ta pupille pour la peur

et dans ma gorge avec tes griffes, demeure!

 

 

JE  VOUS  DEMANDE

 

D’ou pourrais-je savoir comment

les paroles me viennent le soir?

Elles se perdent, si je n’en ai pas vent,

telle une fumée elles vont choir.

 

Comment savoir où

me portent les insomnies,

lorsqu’elles viennent, seule vie,

je me tais et compte le temps dissous.

 

Comment savoir quand il est tard

ou s’il est tôt

pour le poème qui part

fondu dans le chaos.

 

 

* * *

 

La mort est un fleuve ou une machine,

la mort est un célèbre musée

qui ramasse des ombres à nous voisines,

la mort est coupable, la mort désirée

 

la mort est laide, la mort est belle,

rit et pleure, chante et se tait,

la mort sépare, la mort est demeure

de linceul et de voile de mariée

 

la mort est noire, sa faux reçoit,

la mort au filet, serrant, vient-elleß

la mort est blanche, seulement pour toi,

la mort est laide, la mort est belle

 

la mort est l’enfant, la mort est le vieux,

la mort est l’eau et au feu nous condamne,

la mort est le sommeil, la mort est le jeu,

la mort est le berceau, la mort est la canne

 

la mort est un maître, la mort est un ravadeur,

la mort est l’hiver, la mort est l’automne,

la mort est une pute, la mort est madone,

prends-la dans tes bras, tais-toi sur l’heure.

 

 

(JE  SUIS  TELLEMENT  DOUX...)

 

Je suis tellement doux

que je mange dans ta paume

des semences

des pensées

des os

des prières

des figues

des crépuscules

des mots

et la main.

 

 

NIRVANA

 

Une porte clouée dans les étoiles,

des cascades invisibles ou l’encens

et une voix qui chouchotera – reste,

quelque chose aux cheveux d’or et des bagues,

une déité aux ailes flasques

promettant toujours l’imprécis

et tu passeras son seuil

comme un fakir avec des pierres précieuses aux semelles,

flottant au-dessus de la braise,

et tu entreras souriant dans le Nirvana, plus léger

qu’un rayon dans la lumière fausse.

 

                Version française par Miron Kiropol

 

 

Des raisons

 

Il y a toujours une raison pour désésperer,

pour disparaître – le monde comme une amoureuse

qui oublie trop tôt ou la fontaine quittée

par toutes les bouches assoiffées. Peut-être

l’air infidèle qui nous respire ou la tempête

soudain surgie. Les écroulements inévitables,

presque souhaités, de saison en saison.

Autrement la joie simple, la réverie quotidienne,

la naïvete des mystères (le brin d’herbe, l’oiseau,

la viande végétale). La vie, le chemin parmi eux,

la marche sur le fil de fer. Et parfois le temps

suspendu de l’amour. Alors on comprend, paraît-il,

branché à ce réseau là ultra-secret. Ou on s’étonne

de quoique ce soit et on constate que quelqu’un

l’a écrit dans un autre siècle. Dans une autre langue,

sur un autre continent et puis quelqu’un a traduit

ces messages essentiels. Mais personne n’a encore

décrit le parfum de la femme abandonnée à l’aube,

une ombre maintenant inutile qu’on lâche

après en avoir dénoué toutes les ficelles. Et ses cheveux

se taisent, sans mémoire, pareil à l’archet ébouriffé

et il est trop tard pour chercher encore la partition.

 

 

La chose la plus difficile

 

Se reconnaître à son propre miroir d’effrois

sans rejetter la faute ni à l’argent, ni à

l’ignorance du polisseur, ni au brouillard

ou aux ténèbres. Face à face, quand la haleine

couvre de buée le temps et l’espace entre toi

et l’autre frère jumeaux, celui caché au coeur.

Comme il est difficile d’habituer le regard aux

ténèbres du coeur et la main au fil de la lame

du couteau. De n’importe quel côté du miroir

c’est un art de couper des tranches égales,

de les mâcher longuement le reste de la journée.

De suivre la goutte suintée sur la vitre opaque

en essayant de deviner son trajet hésitant,

se taire souriant pendant que les anciennes

syllabes te dévorent dans la cellule inavouée.

Apprivoiser des escargots et des scarabées

en relisant mentalement Villon. Refletée

dans chaque pli du visage s’étend sur les murs

la gravure, l’autoportrait de l’ange écroulé.

 

 

Je passais comme ça
 

 

J’étais pressé  et les arbres courraient après moi,

pour me raconter leur vie ultra-secrète ou pour

me mettre deux feuilles d’arbres sur les épaules.

Attends pour ne pas fâcher le vent d’être parti sans lui,

attends puisque nous avons mal aux racines.

J’étais pressé, la rivière me poursuivait et elle

a un peu débordé. Attends, je perds le fil, écoute encore

l’orgue d’eau pure. Ensuite j’ai fêté la cinquantaine.

Je me suis arrêté, j’étais déjà fatigué et les alentours

étaient totalement immobiles. Je n’avais plus de raisons

pour me dépêcher, tout à coup j’ai eu honte. Je vous attends

mes arbres. Et vous aussi mes rivières. Les brins

de mes racines commencent  à pousser, et dedans,

une flore secrète de capillaires qui invente des mots.

Parfois je me lis tout seul, quand le néon de la salle de bain

commence a bourdonner comme une cigale égarée.

Dans la cuisine il n’y a même pas la paix bien que les femmes

qui devinnaient mon avenir soient depuis longtemps parties

et moi, j’ai perdu la confience. J’ouvre les livres

et parfois les photos de mes amoureuses me tombent

sur le genoux. Jamais de billets de banque,

jamais de billets d’avion vers les sables d’or.

 

 

Tableau

 

J’ai choisi seulement la toile et  les couleurs,

le solvant. Quelqu’un d’autre a mis l’encadrement.

Il me semble un peu étroit, un peu tordu,

d’un bois trop noueux. Tout encadrement

t’oblige, te montre les limites, si tu ne les connaissaient pas.

Je vais peindre l’Orient parceque c’est de là que

la lumière vient, le dattier, le noeud gordien, la peste,

le chameau, la sauterelle, la pistache, la lèpre, le bain,

l’encens, la hutte, le myrte, le pourpre, la soie.

Tout est arrivé au fur et à mesure, pas d’un seul coup,

dans les années, parfois sans le savoir, en silence.

En plein jour, sur les bateaux, en cachette, emmené

par le vent, dans des legendes, par bonheur ou par malheur.

Dans des sacs, pendant la nuit, en ballots et en bâtons

de bambou.Il est difficile de les mettre ensemble

dans un tableau, c’est comme si on récrivait toute l’histoire

sur un grain de riz. Mais cela vaut la peine, maintenant

quand la perspective se courbe toujours, pareil aux lumières

du nord et une pellicule protectrice pousse sur nos yeux.

Pendant que chaque jour explose un musée

oû on se promenait jadis sans peur.

 

 

Par 

 

Les continents sont rentrés en dérive,

les galaxies roulent vers l’écarlate,

l’univers se contracte. Ou se dilate.

La poesie, par où? Justement elle, la seule

capable de tout expliquer, de guérir

tout le cancer du monde. Le noeud gordien

que l’on peut dénouer chaque jour

les yeux fermés. Cette musique discrète

dessus les membranes de chaque cellule, que

nous, les hommes, ignorons. Où

sont encore tes admirateurs, espéranto?

Ou la grande bibliothèque d’Alexandrie.

Jadis l’huile de la lampe était épuisé,

puis la mèche, ensuite les nuits, et la lecture

dans l’obscurité avait été interdite. Les hibous

ont été mis hors la loi, le mot

que l’on avait aimé était tabou. C’est comme ça

les histoires tristes pour les adultes. Par où,

sinon vers le nouvel exode, à qui la faute?

 

 

La vérité

 

Notre progrès de tous les jours et

le balancement entre vérité et espoir. Entre

diplomatie et sage dégoût. À l’aube

rose quant tu commences à voir des spectres,

docte en physiques quantiques et en psychologie des couleurs

mais furieux contre ton image à toi, comme un obèse

devant la balance. Rose. En fait une

couleur agréable, de bébé, de cochon de lait,

de pétale frêle. Que peut-on lui opposer

maintenant, la pensée à ses propres faiblesses –

seulement d’amour, que des passions de plus en plus dilouées

parce que l’on se prépare, n’est-ce pas, à atteindre

bientôt d’autres mondes. Rose. Le Dieu Mars a lui aussi

à peu près les mêmes nuances de bronze luisant et nettoyé

à l’huile, de nuque en sueur de gladiateur. Et de nouveau

on arrivera au musée, en se demandant comment

tout cela a été possible. L’histoire de l’amour sublime

et du crime abject, gardés sur de tablette en argile,

papier en filigran ou tablette pc. Quelque chose de virtuel

et à la fois implacable, comme un rêve obsedant dans

lequel on se regarde obligatoirement de haut en bas.

 

 

Des étapes

 

Le vol s’apprend avant de marcher,

l’étrange présentiment d’un vertige d’où

tu sais qu’on ne sortira pas plus éclairé

qu’un miroir la face en haut. Voie

d’azur délicat, offensé par l’indifférence

de l’aigle impérial crucifié. L’air plus ancien

que les pierres n’existe pas depuis longtemps

au désespoir de la sibylle sans sourire

et de l’ange plein de la première cendre.

Marcher à pied s’apprend avant la chute dans

le temps, cercle imparfait entourant un

centre un peu étroit, presque chaotique,

jusqu’à se trainer sur les genoux et sur les coudes.

Le spasme de marcher ne nous pardonne même pas

dans le sommeil, le sisyphe du labyrinthe est notre temoin.

La chute s’apprend avant la mort,

étrange présentiment d’un vertige d’où

on ne sait pas que l’on va sortir plus illuminé.

 

 

La poésie

 

Plus la vie passe, plus elle devient légère,

un ballon chauffé au soleil. Elle se débarassé

de rubans colorés, des lests et du plomb,

et monte vers la stratosphère, autant que l’air la maintient.

Quand le ciel  devient presque noir, une grande

tristesse pèse de nouveau sur la terre, la pousse

en bas vers la zone des nuages. Mais elle n’échappe pas

au tonnère, d’une forme parfaite sur laquelle

le vent vibrait amoureux, reste une pauvre

cornemuse cassée, un peau humide de chèvre suspendu

au plus haut pic de la montagne. Personne

ne lui jette maintenant aucun regard bien que

de sa matière on pût refaire le vol ou les manuscrits

de la mer morte, une grande peinture ou un drapeau.

Presque tout peut être réécrit dans la memoire.

Le reste continue à exister comme une autre sorte d’histoire.

 

 

traduit du roumain par Adrian Iancu

 

 

 

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